La lumière d'un sein


L’analyse des seins coupés révéla la présence de traces d’ADN féminin étranger auxdits nichons.
La nouvelle fit les grands titres des médias : « Le Boucher de Rectaleville serait une femme. »
Cependant depuis quelques jours une belle dame en noir apparaissait régulièrement dans les rues du centre-ville. Ses gros seins étincelants, d’une beauté hallucinante, d’une blancheur stupéfiante, débordaient du décolleté de soie noire scandaleusement profond. Elle se promenait doucement, sadiquement, étalant ses charmes cruels sous le regard effaré des passants ahuris qui tressaillaient devant l’éclat blessant des nichons.
Il y avait quelque chose d’atrocement intolérable dans la singulière semi-nudité de la femme en noir qui avait la peau laiteuse et la chevelure d’un noir absolu, et dont la lenteur hautaine, le regard énigmatique, la beauté brutale et contrastée étaient aussi austères que voluptueux. Les seins à moitié nus faisaient songer aux seins coupés — idée confuse, ineffable mais lancinante, disséminée dans la farce des jours, vouée à l’obscure et fluctuante fragmentation des flux.
Le fait était là. Chaque matin, aux environs de onze heures les beaux seins gros et laiteux jaillissaient quasiment de la soyeuse robe noire et s’illuminaient devant les yeux affolés des passants le long du boulevard Pastrokz, rue de Krecz, rue de Mejickz, avenue de Jioghf, et jusqu’à la place Wakalack.
On racontait que, voyant la dame, certains individus fragiles étaient pris de panique, terrorisés... ils prenaient la fuite, comme s’ils étaient poursuivis par quelque monstre ou spectre innommable. La belle s’arrêta une fois devant un pauvre gus un peu débile qui s’affala illico gigotant par terre, bavant, se roulant  convulsé dans la poussière, lançant au ciel moult glaviots immondes.
Un autre maboul crasseux en haillons se mit à tournoyer en apercevant la poitrine resplendissante. Il rit, pleura, hurla, se rua sur un mur, s’y fracassa le crâne avant de glisser à terre. Le sang s’épandit mêlé à la bave écumeuse.


Un beau matin l’on découvrit, rue de Mejickz, un gros sein blanc reposant au centre d’un carré de soie noire, sur le trottoir. Tout le monde se trouva dans la pénible disposition à penser inéluctablement au décolleté de soie noire. Le rapprochement était patent, monstrueusement. Or la femme en noir réapparut aussitôt impassible, de plus en plus éclatante, inhumainement rayonnante, de sorte que le malaise devenait insoutenable, obsession collective, horreur et fascination massives, lumineuse abomination, tandis que chez lui Vlanck languissait excédé, oppressé, tremblant de rage et d’impuissance.
L’heure de la belle était connue.
Vlanck ne se décidait pas à aller voir l’atroce lumière en face, encore qu’il fût de jour en jour sur le point de le faire, l’estomac noué, le cœur battant la chamade, le crâne en feu.
Depuis son retour à Rectaleville sa délirante et radicale érection intégrale s’était quelque peu atténuée...     


Extrait de 
La Chair crue qui s'illumine  de Younisos  

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